jeudi 20 mars 2014

Diminution du prix du chauffage urbain : une com maximale, mais ouvrant de nombreuses questions sur le dispositif contractuel

Je ne sais pas pour vous, mais l'article du Journal de Saint-Denis du 12 mars dernier intitulé : "Le prix du chauffage urbain va baisser" m'a interpellé.

Cet article relate la signature par le maire de Saint-Denis d'une  nouvelle délégation de service public pour une très longue période (on parle d' "accord au long cours") confiée à COFELY, filiale de GDF-SUEZ, pour gérer le réseau de chauffage urbain. Cet article est typique de ceux qui fleurissent à quelques jours des élections municipales dans de nombreuses municipalités de France et de Navarre : annoncer la baisse du prix de certains services locaux. Ici, il s'agit de convaincre les Dionysiennes et les Dionysiens que leur facture de chauffage, du moins pour ceux qui sont raccordés au réseau de chauffage urbain, va diminuer. Cependant, comme tous ces articles, il est remarquable par son imprécision, les incohérences qu'il omet de souligner avec la ligne politique de l'élu qui signe l'accord en question et, surtout, se trouve dans l'obligation de dire, sans que cela saute aux yeux du lecteur, que la baisse est conditionnée. Décryptage :

La réalité de la baisse promise ?

L'emballage cadeau, qu'est le titre de l'article du JSD, promet une baisse substantielle aux utilisateurs du chauffage urbain. Le maire et l'un des adjoints actuel l'évoquent ainsi : "Mais pour une année ordinaire, comme l’a indiqué Didier Paillard, « la diminution moyenne devrait être de 150 euros pour un logement de 70 m2 ». « Pour nous, le chauffage n’est pas une marchandise ordinaire, c’est un bien public, et un droit important pour les habitants de nos villes », explique de son côté l’adjoint Francis Langlade, qui suit de près le dossier." Restitution de pouvoir d'achat et défense du service public, voici une belle profession de foi des élus qui ont signé ce contrat. 

Néanmoins, la lecture de l'article nous apprend que cette baisse, présentée au conditionnel, est étroitement liée à la consommation, dépendante de la rigueur de l'hiver, de la stabilité des prix du gaz, qui est l'énergie essentiellement employée pour alimenter la chaufferie ou encore de la baisse de la TVA grâce à l'emploi de davantage de bois (énergie renouvelable).

Avec des telles arguments, il est permis de s'interroger sur les conditions tarifaires obtenues par le maire de Saint-Denis, Didier PAILLARD. Qu'un particulier paie moins si le chauffage est moins utilisé est une évidence, mais concernant le prix de l'énergie et l'évolution du mix énergétique (plus de bois et moins de gaz), un contrat sérieux entre la ville de Saint-Denis et le délégataire devrait permettre d'avoir des prix plus fermes pour mieux stabiliser les coûts répercutés aux usagers et nous donner une information fiable. Cofely, filiale d'un grand groupe, sécurise certainement ses approvisionnements énergétiques. Il n'y aurait donc pas moyens pour Saint-Denis d'en profiter ? Est-ce que ce contrat a prévu des objectifs contraignants (une obligation de résultat, mais pas de moyens) pour augmenter la part d'énergie renouvelable (bois, biogaz...) ? Le peu d'informations mentionnées laissent penser que ce n'est pas le cas, alors que ce type d'informations est fréquemment donnée en exemple aux administrés quand les mairies se veulent exemplaires en matière environnementale.

Pourquoi une DSP ?

Didier PAILLARD et Patrick BRAOUEZEC se présentent comme très à gauche. Dans ces conditions, pourquoi le choix d'une gestion 100 % publique, c'est-à-dire en régie, n'a pas été retenue ? Le JSD se garde d'évoquer cette option, qu'une mairie comme celle de Saint-Denis pourrait justement vouloir mettre en oeuvre au vu de son positionnement politique actuel.

Au contraire, l'article esquive cette interrogation pour dire que "Cette nouvelle DSP intervient après le lancement d’un appel d’offres, des mois de discussions et de négociations." Lisant cela, et considérant que Cofely remporte le marché, les citoyens lambda que nous sommes auraient intérêt à connaître avec précision les conditions de la mise en concurrence de Cofely. Il faut en effet savoir que c'est au cours de ces discussions que le délégant, c'est-à-dire la mairie, peut obtenir un maximum de retour pour ses administrés (meilleur tarifs, emplois, mix énergétique).

Quel dispositif contractuel ?

Cofely est signataire de la charte entreprise-territoire de Plaine Commune. Souvenez-vous, il s'agit de cette charte que nos élus locaux agitent pour prétendre que les entreprises venant sur Saint-Denis créent de l'emploi en faveur des Dionysiens. Or, curieusement, l'article du JSD n'évoque pas d'avancées en ce domaine. Pourtant, lors des négociations du nouveau contrat, la ville de Saint-Denis pouvait imposer des engagements contractuels stipulant des objectifs en matière d'emploi, de formation, d'achats responsables...

On peut imaginer que si cela avait été le cas, le JSD l'aurait claironné. Le fait qu'il soit muet sur ce sujet laisse penser que la mairie n'a pas introduit d'objectifs en faveur des Dionysiens dans ces domaines.

En conclusion, on peut se demander ce que la ville de Saint-Denis a réellement obtenu pour les Dionysiennes et les Dionysiens de Cofely. J'espère que ce contrat prévoit des clauses de rendez-vous régulières et que la nouvelle municipalité ne sera pas les mains liées pendant des années.

Aucun commentaire: