samedi 24 juillet 2010

Drôles de chaussures

Plaine Commune a publié un communiqué de presse le 15 juillet au sujet de la clôture qui sera réalisée autour de l'Université Paris XIII située à Villetaneuse. Patrick BRAOUEZEC, Président de Plaine Commune et député de la circonscription et Carinne JUSTE, Maire de Villetaneuse et Vice-Présidente de Plaine Commune, y dénoncent ce projet.

Voici le lien : http://www.plainecommune.fr/page/p-433/art_id-1649/

Seulement voilà, le Conseil d'administration de l'Université Paris XIII, dont fait partie en qualité de personnalité extérieure Patrick BRAOUEZEC, a approuvé ce projet lors de sa séance du 26 mars dernier avec le soutien de ces deux élus !

Je rassure tout le monde, notre député n'était pas présent pour voter Oui, mais il était représenté pour voter en son nom. Voici ce que rapporte Jean-Loup SALZMANN, Président de l'Université, des concertations qu'il a engagé, en particulier avec les intéressés.

Extrait du procès-verbal : "La Maire de Villetaneuse comprend que l'université doive se protéger et approuve le projet de clôture, de même que le Vice-Président de Plaine Commune. L'ensemble des collectivités locales avec lesquelles nous discutons soutiennent ce projet". Avant, le Président de l'Université précisait : "Nous avons également entamé des discussions avec la municipalité, les élus de Plaine Commune, la police, la préfecture et le Président de l'Université Paris VIII. Un groupe de travail mené par la Préfecture de Paris nous a présenté un plan de prévention. J'ai également eu de nombreuses discussions informelles avec des assemblées générales d'étudiant, des étudiants et des personnels. La situation est extrêmement préoccupante dans la mesure où nous sommes situés entre deux cités dont les bandes armées s'affrontent régulièrement."

Je balaie rapidement ce qui me semble être une erreur de rédaction : il faut vraisemblablement lire Président et non Vice-Président.

Au-delà du double discours, que beaucoup résumeront à une forme d'hypocrisie propre aux hommes politiques, il convient d'essayer de comprendre ce que cache ces prises de position apparemment contradictoires.

1. La hiérarchisation de l'insécurité
Pour les élus concernés, les "gauche de gauche", pour reprendre les termes de Patrick BRAOUEZEC dans son interview à Libération de juin dernier, l'insécurité physique est moins importante que l'insécurité sociale. En effet, l'insécurité physique n'existe que parce qu'elle est instrumentalisée par la droite et l'extrême-droite et par la faiblesse de cette gauche qui n'en est plus une (forcément, c'est nous les vrais de vrai !). Dans leur rhétorique, il convient de systématiquement nuancer la violence physique par la brutalité de la violence sociale. Extrait du communiqué de presse : "L'Université représente le savoir, l'universalité, l'ouverture au monde et l'accès au diplôme qui représente la principale clef de l'avenir pour les jeunes étudiants. Il ouvre des portes à ceux qui le décrochent, il rend plus difficile l'avenir à ceux qui ne l'obtiennent pas. Là se forment un fossé et une injustice. Il y a quelques mois, deux aggressions ont été commises par des jeunes à l'intérieur du Campus, avec vol d'effets personnels. L'enseignante et les étudiants ont été choqués. Il est clair que ce type d'exactions ne sont pas tolérables et doivent être sanctionnées. Il est évident aussi que l'université, son président et son conseil, se doivent d'offrir, aux enseignants, personnels et étudiants, des conditions de travail optimales."

2. Les territoires de la criminalité
Les très nombreux travaux faits sur nos "quartiers", nos "ghettos", par des chercheurs de toutes disciplines ont mis en évidence la représentation de la "cité-territoire". Pour faire court, la cité est à la fois l'enclave où s'exerce les solidarités destinées à se défendre de l'extérieur (police, bandes rivales) et où s'ancre la stigmatisation (rejet par l'extérieur de ceux qui y habitent). Cependant, cette représentation qui s'est progressivement mise en place au cours des vingt dernières années et qui n'a fait que se sophistiquer pour sa défense (systèmes d'alarmes (si, si !), armes, éviction de ceux n'approuvant pas les comportements ou trafics) est en train de s'étendre : c'est la représentation de la "ville-territoire".

A la base, il y a une représentation qui existe depuis le XIXième siècle et qui est sans cesse réactivée par les élus des communes entourant Paris sur le thème de "Paris contre la banlieue". Paris rejette ses ordures, ses industries polluantes, ses populations pauvres. Cette représentation, en partie vraie pendant de nombreuses annés (il aurait fallu que les élus franciliens expliquent quand même que Paris est densément urbanisé et manquait de place, mais ils s'en sont bien gardés) ne l'est plus depuis l'élection de Bertrand DELANOË qui a entrepris une politique différente, en rupture avec l'ère Chirac, (construction de logements sociaux, pour l'essentiel par acquisition de logements déjà existants, construction de déchetteries dans Paris -si, si !-...) et s'est rapproché de ces communes pour monter des projets en commun (les réaménagements des portes par exemple).

Par ailleurs, j'ai noté à plusieurs reprises un glissement sémantique qui visent à créer une représentation complémentaire et renforçant la précédente : "les riches contre la banlieue" où nos élus stigmatisent les habitants des Yvelines et des Hauts-de-Seine. Lors de la dernière fête de la Tulipe, pour déplorer le fait que l'autoroute ne soit pas enterré, notre député a critiqué l'Etat, qui les enterre dans l'Ouest parisien mais ne le fait pas ici. Ce qu'il oublie de dire, c'est que l'Etat et ses ingénieurs n'ont pas proposé spontanément de mettre en souterrain des autoroutes urbaines déjà très coûteuses (les habitants s'en sont un peu mêlés...) et que d'autres villes comme Bobigny ou Fresnes se sont mobilisés avec succès pour obtenir le passage de l'A86 en souterrain. Il est vrai que stigmatiser l'autre est plus facile à faire que d'assumer ses reponsabilités : les élus de Saint-Denis étaient favorables à l'A1 et à l'A86 car ils voyaient avant tout les retombées économiques. Cette idée (autoroute = développement économique) est d'ailleurs toujours présente, lorsqu'il s'agit de vendre des immeubles de bureaux en soulignant leur desserte.

Cette représentation influence les habitants, mais aussi les délinquants et autres criminels qui estiment aujourd'hui que la ville entière est à eux et qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent. Bref, la sécurité c'est pour Paris. Cette représentation du territoire se renforce chaque jour du fait de l'absence de réactions pour lutter contre l'insécurité et l'impunité dont jouissent les auteurs d'aggressions et de vols dans notre cité.

3. Le Président de l'Université Paris XIII
Jean-Loup SALZMANN est un brillant universitaire, qui fait autorité dans le milieu. C'est un homme dynamique, porteur de projets d'évolutions notables pour son université. Il est donc très écouté et très influent. Pour cette raison, la maire de Villetaneuse et le Président de Plaine Commune pouvaient difficilement prendre le risque de s'opposer frontalement à la clôture.

4. Le Président de Plaine Commune : que veut-il ?
Le député de notre circonscription est un homme unanimement apprécié dans les dîners en ville (en sous-entendu : à Paris ! -moi aussi je m'y mets-), promu au rang d'expert sur les questions liées à nos "quartiers", à nos "ghettos". Il rencontre des hommes politiques de toute obédience (même des sarkozystes !), des grands capitaines d'industries (Oui, il fraie avec le capitalisme qu'il combat !), des journalistes et des intellectuels. J'ajoute que les médias l'apprécient aussi : c'est un bon communiquant, un bon candidat pour les plateaux. En mars, il a même été élu Président de la Fondation pour le Football, remplaçant Philippe SEGUIN décédé. Un homme parfaitement fréquentable.

Comme beaucoup de ceux qui goûtent le pouvoir, Patrick BRAOUEZEC veut continuer à en profiter. Comme beaucoup de gens habiles, il sait aussi qu'il faut changer régulièrement de voies. [Rassurez-vous, il ne se présentera pas aux législatives de 2012, en dépit de la petite ouverture qu'il laissait planer (le fameux 90 % dans son interview au JSD) : il craint, à juste titre, de se retrouver au deuxième tour face à une liste socialiste et non de droite ou d'extrême-droite] Pourquoi croyez-vous qu'il s'entoure autant de "starchitectes" ? C'est tellement utile d'avoir des amis...


Alors que conclure ?

La voie suivie par notre député est un chemin étroit situé sur une ligne de crête : d'un côté ses ambitions l'amènent à être un homme politique, un gestionnaire capitaliste, un homme de consensus, un homme de réseaux, un homme d'influence ; de l'autre côté, on trouve les fondamentaux idéologiques d'un homme qui, dénigrant des partis politiques jugés usés, voit dans les mouvements sociaux la seule légitimité de la société. Naturellement, personne n'ira questionner de trop près le taux d'abstention aux élections à Saint-Denis, ni s'interroger sur le mode de désignation des représentants dedits mouvements sociaux.

Ce communiqué de presse n'est donc pas en contradiction avec le vote de mars, mais est conforme aux stratégies de notre député. Il faut le lire à deux échelles : locale et nationale (ou parisienne -je recommence !-) et en tirer les conséquences. A l'échelle locale, nos problèmes ne pourront trouver de réponse avec les hommes actuellement en place, car leurs idéologies sont un des éléments ayant contribué à la formation, et à la reproduction, des violences urbaines que nous subissons. [Un aparté pour dire que nos villes ne sont plus, en dépit des étiquettes, dirigées par des idées communistes depuis le milieu des années 1990 et que des personnes comme Didier PAILLARD et Carinne JUSTE partagent les idées de notre député] A l'échelle nationale, il est essentiel d'ouvrir les yeux aux décideurs politiques, économiques, intellectuels, dont la compréhension des problèmes qui nous frappent est aujourd'hui tout à fait ténue.

vendredi 2 juillet 2010

Saint-Denis à l'ère numérique

Connaissez-vous la Cyberbase ?

Pour ma part, je vous aurais répondu par la négative jusqu'il y a peu. Un Ilotdyonisien m'avait demandé l'année dernière si j'étais au courant des formations informatiques dispensées par notre ville. Il me précisait que les cours de déroulaient Place de la Résistance... Naturellement, je n'étais au courant de rien et m'étonnais même de cette localisation.

Place de la résistance, vous trouvez, coincée entre l'institution privée Jean-Baptiste de La Salle ,"La Ligne 13", salle de spectacles bien connue. Si vous regardez attentivement le bâtiment, vous verrez en haut à gauche marqué "Maison de la Jeunesse", car, en réalité, cette MJ abrite "La Ligne 13", mais aussi des salles pour le hip-hop, le Bureau d'Information Jeunesse et la Cyberbase. Le site de la ville mentionne d'ailleurs bien ces quatre activités localisées dans la MJ.

Alors, qu'est-ce que la Cyberbase ?

Et bien, c'est le lieu où tous les Dyonisiens (et d'autres d'ailleurs) peuvent aller pour utiliser Internet, faire un CV ou apprendre à se servir de divers logiciels (bureautique, création de site web, traitement de photos numériques...). L'accès est payant et sur réservation.

Pour ma part, je pense que la municipalité devrait repenser la signalétique devant la MJ, pour indiquer que ce n'est pas qu'une salle de concert (Très sincèrement, c'est comme cela que j'ai vu ce bâtiment jusqu'à présent !) et également faire un onglet à part entière dans la partie culture de son site Internet pour faire resortir de façon pleine et entière la Cyberbase. La page sur la MJ ne dit rien d'autres qu'il y a la Cyberbase et, pour plus d'informations, vous devez renseigner l'onglet recherche pour trouver des informations plus fournies sur cette Cyberbase.

Pourquoi ces demandes me direz-vous ? Tout simplement, parce que nous entrons dans l'ère numérique. Il y a aura de plus en plus d'échanges dématérialisés, la fracture numérique est déjà une réalité et elle risque de se creuser davantage si on ne fait rien. Potentiellement, toutes les générations sont intéressées par ce type de formation, alors pourquoi l' "enterrer" dans ce bâtiment ?

Si j'étais le maire (ou un de ses adjoints), je serais plus ambitieux sur cet enjeu. La Cyberbase est en soi une bonne idée, mais qu'il faut agrandir et rendre plus visible. Bref, il faut la sortir de la MJ et la relocaliser dans un endroit plus visible, ou éventuellement créer plusieurs sites. Il manque, à mon sens, une vraie réflexion pour savoir ce qui convient le mieux aux habitants. Notre municipalité est au niveau zéro de réflexion en la matière.

Par ailleurs, mais il s'agit là d'une de mes ambitions secrètes, si j'étais encore une fois le maire (ou un de ses adjoints), j'organiserais sur notre commune un grand festival du logiciel libre et apporterais mon soutien à un certain nombre d'initiatives dans ce domaine.