lundi 22 avril 2019

La Basilique de Saint-Denis : "là où la ruine se poursuit !"

Voici l'extrait du billet d'humeur (6h57' tous les matins) de Guillaume ERNER, animateur de la matinale de France Culture de ce matin.

"La couverture du magazine l'Express, daté d'aujourd'hui, un magazine qui arrive un peu après la bataille où plus exactement après l'incendie et qui, du coup, dit qu'il est obligé d'en faire plus, d'en faire plus que les autres : l'Âme de la France, voilà ce qu'arbore cette couverture, l'Âme de la France indique la couverture, en montrant Notre-Dame. Un titre qu'on aurait vraiment adoré au cours du XIXème siècle, avec différents auteurs, du psychosociologue Gustave LEBON jusqu'au milieu du XXème siècle jusqu'au géographe André SIEGFRIED. Je dis cela, car cela fait longtemps que les théories fumeuses d'âmes des peuples ont toutes été abandonnées. L'Âme du peuple français n'est pas plus dans le clocher de Notre-Dame qu'à Alésia ou au sommet de la colonne de la Bastille. L'Âme des peuples est une théorie qui a été abandonnée depuis des décennies au profit d'une vision probablement plus vivante de la société, probablement moins essentialiste, celle défendue par Ernest RENAN, qui présentait la Nation comme un plébiscite de tous les jours.  Il y a quelque chose d'étrange dans cette surenchère de superlatif, dans cet exercice hyperbolique relatif à Notre-Dame, comme si on voulait se rassurer, en se disant qu'il existe au moins un bâtiment où la France entière se retrouve sans même se rendre compte ce qu'il y a de problématique dans le fait que ce soit une cathédrale. Inutile même de dire que cette focalisation contredit le principe de laïcité. Il suffit par exemple de constater que ce soudain intérêt pour Notre-Dame jure avec les autres édifices religieux en France qui tombe en ruine dans l'indifférence générale. Notre-Dame n'est pas l'âme de la France, c'est tout simplement le stigmate de la manière dont nous traitons les vieilles pierres. Le New York Times en parle de manière très convaincante : Notre-Dame a brûlé car le patrimoine en France n'est pas suffisamment surveillé. Maintenant que la cathédrale croule sous les dons, il suffit de voir qu'à côté de cette même cathédrale, à une heure en vélo, une Basilique n'a pas assez d'argent pour se refaire une beauté. La Basilique de Saint-Denis, dont la flèche n'est toujours pas remontée. Si l'on veux placer l'Âme de la France dans les vieilles pierres, situons-là à Saint-Denis là où la ruine se poursuit sans que personne ne s'en émeuve !"

Je vous renvoie au site de France Culture pour réécouter l'excellent Guillaume ERNER.

N'oublions pas que dans notre pays, désormais hostile à toute forme de religion comme chaque croyant (chrétien, musulman, juif, boudhiste...) en fait l'expérience quotidienne, le patrimoine n'a plus qu'une valeur marchande. La "Disneylandisation" est totale chez les dirigeants politiques, économiques et autres convertis au culte du veau d'or (argent, pornographie, violence, avilissement du corps et de l'âme, etc), comme en témoigne cette volonté absurde de reconstruire dans l'optique des Jeux Olympiques, devenue une grande messe marchande de la religion ultra-libérale qui gangrène la France. La culture générale et la notion de beauté ne sont plus enseignées à l'Education Nationale, les jeunes gens de notre bonne ville étant d'ailleurs les premiers à subir l'effondrement délibéré du niveau intellectuel et le mépris à l'égard de toute forme de perfectionnement intellectuel et moral. Comme je le disais dans mon précédent billet, la Basilique de Saint-Denis n'est pas aidée, car il n'y a pas de touristes. Ceci dit, la Mairie de Paris, qui est riche, n'entretient pas les églises parisiennes, y compris celles qui attirent des touristes, au point que des mécènes étrangers sont appelés à la rescousse pour suppléer à l'incurie et à la vacuité morale des bourgeois parisiens (par exemple, les américains à Notre-Dame de Lorette dans le 9ème arrondissement). La prochaine étape de cette logique est connue, ce sera la cession des lieux les plus rentables à des entreprises financières comme l'Union européenne entend l'imposer aux Grecs pour des sites archéologiques majeurs.

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