Le week-end dernier, je lisais avec stupeur dans le Journal de Saint-Denis
l'intervention de policiers municipaux au Centre Technique Municipal de
Saint-Denis contre des personnels municipaux en grève le jeudi 7 mars
2019.
L'homme de gauche que je suis a été profondément choqué par ces méthodes fascisantes. Qu'un
dialogue social puisse être viril ne devrait étonner que ceux qui ne
connaissent pas l'histoire des luttes sociales de notre pays ... et de
Saint-Denis. Une grève, par essence, est un moyen de pression. Pour être
efficace, la pression doit "emmerder l'employeur", qui, au cas présent,
se trouve être la Mairie de Saint-Denis.
Comment se
fait-il que celle-ci, dont les élus se qualifient volontiers Gauche de
Gauche, ait pu envoyer des policiers pour lever un piquet de grève ?
La réponse est malheureusement simple et tient dans le fait que
l'institution policière en France, qu'elle soit nationale ou municipale,
est aux ordres du pouvoir exécutif. Dans notre pays, le Président
de la République ou le Maire d'une commune exercent sans partage leur
autorité sur la force publique, c'est-à-dire la Police Nationale, créée,
rappelons-le, en 1941 par Vichy, et la Police Municipale.
De
fait et de de droit, les forces de l'ordre ne sont pas réellement
démocratiques en France. Elles restent la police du prince, que celui-ci
soit le "monarche républicain" du moment ou le hobereau dirigeant une
ville. Institution "régalienne", la police nationale ou municipale n'est
pas au service de la population et ne rend jamais de compte aux
citoyens. Un policier sert et protège le dirigeant auquel il obéit.
La leçon de la Révolution a été tirée, en ce sens que le passage des
troupes des Gardes Françaises à la foule parisienne fut un moment de
bascule décisif.
En envoyant "ses" policiers, notre
Maire Laurent RUSSIER, bien qu'élu de Gauche, a donc cédé aux sirènes du
pouvoir et s'est rangé dans une longue tradition de répression par le
recours à la force publique des travailleurs. A sa décharge, rien
n'empêche cette dérive.
Depuis les années 1990, aucune
critique de la police n'est permise en France. Si la réforme de
l'institution policière figurait dans les programmes de campagne, par
exemple de François HOLLANDE ou d'Emmanuel MACRON pour les derniers
présidents élus, ils ne l'ont jamais mis en oeuvre. Au contraire, les
agissements de la police sont rarement sanctionnés et, certains
policiers nationaux rapportent depuis quelques mois que leur hiérarchie leur donne des consignes illégales par exemple...
A
Saint-Denis, le problème de l'insécurité, qui est réel mais qui a été
longtemps mis de côté, a débouché sur le piège classique dans lequel
tombe les élus de Gauche, à savoir un débat centré uniquement sur plus
de flics, plus d'armes, plus de moyens, etc... Les échanges entre la
mairie et son opposition, elle-même de Gauche, étaient assez
caricaturaux. A écouter certains, on pouvait même arriver à la
conclusion qu'il faudrait mettre un flic derrière chaque citoyen.
Grotesque mais surtout inquiétant, car cela ressemble étrangement aux
discours militaristes appelant à aligner des bataillons toujours plus
nombreux ! Aucune réflexion de fond n'a lieu !
Empêtré
dans un conflit social qui perdurent et qui peut avoir des répercussions
négatives alors que les élections municipales approchent, notre Maire a
fini par "envoyer ses flics". Notre ville, avec son histoire bien
particulière, devrait pourtant être immunisée contre ce type de dérive,
car il s'agit bien d'une dérive, mais aucun garde-fou ne semble avoir pu
le retenir au moment de donner l'ordre.
En 2017, j'ai
été à deux doigts d'être candidat aux élections législatives. Je dis à
deux doigts, car j'ai tout annulé au dernier moment, malgré un long
travail d'élaboration d'un programme, où j'avais plus particulièrement
travaillé sur une réforme de la police, afin de mettre celle-ci au
service des citoyens et sous leur contrôle. Mais des amis bien informés
m'ont expliqué que quelque chose allait se passer dans ma
circonscription et que les médias et les électeurs n'entendraient jamais
mes propositions. J'ai donc abandonné et bien m'en a pris. La
révélation que la candidate d'En Marche avait acheté et loué un studio
dans un immeuble insalubre du centre-ville plomba complètement la
campagne électorale. Ses opposants connaissaient son "investissement
financier" et entendaient bien l'utiliser pour la faire chuter. Avec ce
type d'affaire, tout débat d'idées autre est automatiquement tué dans
l'oeuf, puisque l'élection se transforme en plébiscite pour ou contre.
Un peu comme à Levallois...
Parler de l'insécurité et de la nécessaire réforme de la police pour
que celle-ci retrouve la confiance des citoyens et cesse d'être de plus
en plus perçue comme une force de répression au service du pouvoir
aurait donc été inaudible. Pour autant, dans notre société fragilisée
par une mondialisation prédatrice, cette réforme devient plus que jamais
indispensable pour éviter l'avènement d'un régime autoritaire.
A
l'occasion des prochaines élections municipales de 2020, j'aurai donc
l'occasion de défendre une approche du fonctionnement de la police par
le bas, c'est-à-dire par et pour les citoyens de Saint-Denis. La
restauration de la confiance des Dionysiens, et particulièrement de nos
jeunes gens trop souvent visés par des contrôles au faciès, envers la
police (et notre municipalité peut commencer par sa police municipale et
en faire un exemple), est la condition nécessaire pour diminuer la
délinquance. Beaucoup trop d'hommes politiques se disant de Gauche
semble penser le contraire ; le temps est venu de les rejeter.
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