dimanche 17 mars 2019

Réformer la police : considérations autour de l'intervention de la police municipale de Saint-Denis au centre technique le 7 mars 2019

Le week-end dernier, je lisais avec stupeur dans le Journal de Saint-Denis l'intervention de policiers municipaux au Centre Technique Municipal de Saint-Denis contre des personnels municipaux en grève le jeudi 7 mars 2019.

L'homme de gauche que je suis a été profondément choqué par ces méthodes fascisantes. Qu'un dialogue social puisse être viril ne devrait étonner que ceux qui ne connaissent pas l'histoire des luttes sociales de notre pays ... et de Saint-Denis. Une grève, par essence, est un moyen de pression. Pour être efficace, la pression doit "emmerder l'employeur", qui, au cas présent, se trouve être la Mairie de Saint-Denis.

Comment se fait-il que celle-ci, dont les élus se qualifient volontiers Gauche de Gauche, ait pu envoyer des policiers pour lever un piquet de grève ? 

La réponse est malheureusement simple et tient dans le fait que l'institution policière en France, qu'elle soit nationale ou municipale, est aux ordres du pouvoir exécutif. Dans notre pays, le Président de la République ou le Maire d'une commune exercent sans partage leur autorité sur la force publique, c'est-à-dire la Police Nationale, créée, rappelons-le, en 1941 par Vichy, et la Police Municipale.

De fait et de de droit, les forces de l'ordre ne sont pas réellement démocratiques en France. Elles restent la police du prince, que celui-ci soit le "monarche républicain" du moment ou le hobereau dirigeant une ville. Institution "régalienne", la police nationale ou municipale n'est pas au service de la population et ne rend jamais de compte aux citoyens. Un policier sert et protège le dirigeant auquel il obéit. La leçon de la Révolution a été tirée, en ce sens que le passage des troupes des Gardes Françaises à la foule parisienne fut un moment de bascule décisif.

En envoyant "ses" policiers, notre Maire Laurent RUSSIER, bien qu'élu de Gauche, a donc cédé aux sirènes du pouvoir et s'est rangé dans une longue tradition de répression par le recours à la force publique des travailleurs. A sa décharge, rien n'empêche cette dérive.

Depuis les années 1990, aucune critique de la police n'est permise en France. Si la réforme de l'institution policière figurait dans les programmes de campagne, par exemple de François HOLLANDE ou d'Emmanuel MACRON pour les derniers présidents élus, ils ne l'ont jamais mis en oeuvre. Au contraire, les agissements de la police sont rarement sanctionnés et, certains policiers nationaux rapportent depuis quelques mois que leur hiérarchie leur donne des consignes illégales par exemple...

A Saint-Denis, le problème de l'insécurité, qui est réel mais qui a été longtemps mis de côté, a débouché sur le piège classique dans lequel tombe les élus de Gauche, à savoir un débat centré uniquement sur plus de flics, plus d'armes, plus de moyens, etc... Les échanges entre la mairie et son opposition, elle-même de Gauche, étaient assez caricaturaux. A écouter certains, on pouvait même arriver à la conclusion qu'il faudrait mettre un flic derrière chaque citoyen. Grotesque mais surtout inquiétant, car cela ressemble étrangement aux discours militaristes appelant à aligner des bataillons toujours plus nombreux ! Aucune réflexion de fond n'a lieu !

Empêtré dans un conflit social qui perdurent et qui peut avoir des répercussions négatives alors que les élections municipales approchent, notre Maire a fini par "envoyer ses flics". Notre ville, avec son histoire bien particulière, devrait pourtant être immunisée contre ce type de dérive, car il s'agit bien d'une dérive, mais aucun garde-fou ne semble avoir pu le retenir au moment de donner l'ordre.

En 2017, j'ai été à deux doigts d'être candidat aux élections législatives. Je dis à deux doigts, car j'ai tout annulé au dernier moment, malgré un long travail d'élaboration d'un programme, où j'avais plus particulièrement travaillé sur une réforme de la police, afin de mettre celle-ci au service des citoyens et sous leur contrôle. Mais des amis bien informés m'ont expliqué que quelque chose allait se passer dans ma circonscription et que les médias et les électeurs n'entendraient jamais mes propositions. J'ai donc abandonné et bien m'en a pris. La révélation que la candidate d'En Marche avait acheté et loué un studio dans un immeuble insalubre du centre-ville plomba complètement la campagne électorale. Ses opposants connaissaient son "investissement financier" et entendaient bien l'utiliser pour la faire chuter. Avec ce type d'affaire, tout débat d'idées autre est automatiquement tué dans l'oeuf, puisque l'élection se transforme en plébiscite pour ou contre. Un peu comme à Levallois...

Parler de l'insécurité et de la nécessaire réforme de la police pour que celle-ci retrouve la confiance des citoyens et cesse d'être de plus en plus perçue comme une force de répression au service du pouvoir aurait donc été inaudible. Pour autant, dans notre société fragilisée par une mondialisation prédatrice, cette réforme devient plus que jamais indispensable pour éviter l'avènement d'un régime autoritaire.

A l'occasion des prochaines élections municipales de 2020, j'aurai donc l'occasion de défendre une approche du fonctionnement de la police par le bas, c'est-à-dire par et pour les citoyens de Saint-Denis. La restauration de la confiance des Dionysiens, et particulièrement de nos jeunes gens trop souvent visés par des contrôles au faciès, envers la police (et notre municipalité peut commencer par sa police municipale et en faire un exemple), est la condition nécessaire pour diminuer la délinquance. Beaucoup trop d'hommes politiques se disant de Gauche semble penser le contraire ; le temps est venu de les rejeter.

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