Dimanche 10 juillet, le rideau est tombé sur l'Euro 2016, c'est-à-dire le championnat européen de football masculin organisé par la puissante Union des associations européennes de football (UEFA de son acronyme anglo-saxon). Malgré la défaite en finale de l'équipe de France, la fête a été belle : aucun incident n'a été à déplorer, l'alcool et l'argent auront coulé à flot respectivement pour les consommateurs/contribuables et les organisateurs.
Orientation Est : souvenir tagué de l'Euro 2016 à proximité du Stade de France, le samedi 16 juillet 2016.
Le football est un sport populaire, qui transporte les foules depuis le début du XXe siècle. Cependant, depuis une trentaine d'années, ce sport est aussi devenu une industrie financière très profitable pour de nombreux acteurs (hommes politiques, hommes d'affaires, mafieux et escrocs, "bénévoles" sportifs...). Pour ma part, j'ai toujours été frappé par la lune de miel qu'entretiennent nos hommes politiques avec ce sport, sachant que cela n'a pas toujours été le cas, du moins jusqu'à ce que des masses colossales d'argent commencent à affluer à partir des années 1980. Une longue liste de scandales émaillent depuis le monde du football. Sans remonter très loin, citons pêle-mêle les affaires de corruption au plus haut niveau des instances du football international et européen qui ont fait les délices de la presse pendant des semaines (mieux qu'une série télévisée : argent, pouvoir, sexe), la "mauvaise gestion" des "achats" de joueurs par l'Olympique de Marseille (le Canard Enchaîné s'est bien amusé ces dernières semaines), qui a largement profité au milieu..., les dettes de la ville du Mans contractées pour satisfaire les besoins d'un club sportif, mais liquidé depuis..., comportements amoraux de joueurs, à qui tout est pardonné d'ailleurs, puisque dans des pays occidentaux convertis au culte de l'argent roi, les sportifs et les artistes millionnaires et starisés ont rang de demi-Dieu.
Voilà pour le contexte, revenons à Saint-Denis, où s'est tenu 7 matchs au Stade de France, plus grande enceinte sportive du pays, dont les deux plus importants : celui d'ouverture et la finale. Contrairement à d'autres villes qui ont décidé de concourir ou pas pour accueillir des matchs de l'Euro 2016 dans le stade dont elles sont le plus souvent propriétaires (Strasbourg et Nantes n'ont finalement pas déposé de dossier devant les coûts trop importants), notre ville ne pouvait pas faire ce choix, puisque le Stade de France est propriété de l'Etat, qui en a confié la gestion au Consortium du Stade de France. Par contre, plutôt que de se contenter de toucher les dividendes liés à la présence des supporters (consommation, hôtel), nos élus municipaux et communautaires ont décidé d'avoir leur Fan-Zone.
Ce choix doit nous interpeller, car il a un coût financier. Le coût de la fan zone de Paris, située sur le Champs de Mars au pied de la Tour Eiffel, s'élève entre 13 et 16 millions d'euros, d'après les éléments parus dans la presse. La moitié de cette somme devrait d'ailleurs être pris en charge par des partenaires et autres sponsors. Il faut savoir qu'en France, les élus locaux minimisent systématiquement ce genre de coûts pour pouvoir les voter. On peut donc largement rajouter quelques millions supplémentaires, comme finira très certainement par le révéler dans quelques années un rapport de la Cour des Comptes... En outre, il s'agit du coût matériel d'installation, qui ne comprend pas les cachets des artistes, le coût de la sécurité (essentiellement assuré par l'Etat), celui de la communication et du nettoyage, etc.
A Saint-Denis, aucun chiffre n'a filtré. Mais je dirai que notre Fan Zone n'a pas pu coûter moins de 3 millions d'euros, montant qui sera probablement davantage pris en charge par les collectivités territoriales que par des sponsors. Le parc de la Légion d'Honneur est notre atout vert où j'aime me promener, mais aux yeux des sponsors il n'a pas le même attrait que la Tour Eiffel. Si notre Fan zone pouvait contenir 10 000 personnes, contre 92 000 à celle de Paris, il ne faut pas diviser les coûts par neuf, car il est des coûts incompressibles et forfaitaires pour ce genre d'installation.
Par ailleurs, pour évaluer l'ensemble des dépenses engagées par nos élus, il faudra rajouter ces autres dépenses que j'évoquais pour Paris. En guise d'amuse-gueule, voilà le genre d'installation que nos impôts ont payé pour l'Euro 2016. Avec l'électricité et le démontage, il y en aura pour 100 000 euros, dont 60 000 pour Plaine Commune. J'étais sidéré de tomber hier sur cette installation.
Orientation Sud-Est : panneau de Plaine Commune relatif aux lettres lumineuses destinées à améliorer l'accessibilité des abords du Stade de France
Orientation Nord-Est : vue de l'installation, partiellement fonctionnelle le samedi 16 juillet 2016.
Face à des dépenses qui totalisent certainement plusieurs millions, l'UEFA versera 2 millions d'euros à chaque ville organisatrice afin d'améliorer les infrastructures sportives (de football en sous-entendu). Dans un article du Parisien du 13 avril 2016, nous apprenons que ce financement a permis de rénover la pelouse du Stade Auguste Delaune pour un montant d'un million d'euros. Moralité, il reste encore un million d'euros à dépenser dans les stades de foot de notre ville. Ce serait bien que les Dionysiens et Dionysiennes soient tenus au courant de l'affectation effective de ces financements...
Si l'équation financière n'est pas favorable aux citoyens/contribuables de Saint-Denis, qu'en est-il de la participation des Dionysiens et Dionysiennes ?
Dominique SANCHEZ, le Directeur de la rédaction du Journal de Saint-Denis, hebdomadaire communal financé par nos impôts locaux, explique dans un article tout en nuance daté du 12 juillet que les habitants de notre ville ont plutôt profité de l'évènement. Rappelons que la Fan zone de Saint-Denis a été bâtie sur un slogan : "Personne sur le banc de touche", comme l'illustre le logo et la documentation.
Pour ma part, je n'ai pu que constater que mes voisins et les habitants du quartier Porte de Paris que j'ai interrogé ont suivi les matchs à leur télé et légèrement profité de la Fan zone, plus particulièrement pour ceux qui avaient des enfants. Par ailleurs, les quelques Dionysiens que je connais et qui sont allés aux matchs sont ceux ayant bénéficié de billets gratuits remis par les collectivités territoriales...
Enfin, la participation active de nos collectivités territoriales à l'Euro 2016, via la Fan zone, aura eu le mérite de témoigner de leur capacité à participer à l'organisation de grands évènements. Il s'agit d'ailleurs du premier point mis en avant dans la documentation dont je donne le lien précédemment. A travers un évènement sportif rayonnant au-delà du continent européen, nos élus ont vu l'opportunité de montrer (ou développer) un savoir-faire, qui pourra être mis à profit pour l'organisation d'autres évènements. Les Jeux Olympiques en 2024 par exemple. De ce point de vue là, et uniquement là-dessus, on peut dire que la Fan zone aura prouvé son intérêt.
Pour conclure ce billet, je vous livre deux questions :
1. Cela valait-il de dépenser autant d'argent, qui aurait pu être investi dans des projets répondant davantage aux besoins des habitants ?
2. Nos grands élus de Gauche, que sont Patrick BRAOUEZEC, Président de Plaine Commune, et Mathieu HAONTIN, député et Vice-Président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, qui s'intéressent beaucoup au football (le premier comme Président de la Fondaction du football et le second comme membre actif du Parti Socialiste qui déploie des efforts considérables pour créer un club professionnel de niveau Ligue 1 en Seine-Saint-Denis via le Red Star) ne risquent-ils pas de perdre leur âme d'hommes de gauche dans le marigot du foot business ?
dimanche 17 juillet 2016
UEFA 2016 à Saint-Denis : pour quelles retombés ?
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