Peut-être avez-vous entendu parler de la
décision de la Présidente de la Région Ile-de-France, Madame Valérie PECRESSE,
de cesser de subventionner les logements très sociaux dans les communes ayant
déjà plus de 30 % de logements sociaux ? Si ce n’est pas le cas, vous avez
certainement entendu parler de la réaction d’hommes politiques de gauche qui
appelaient à manifester jeudi 7 avril 2016 devant le siège du Conseil
régional d’Ile-de-France contre cette décision relevant du plan
"anti-ghetto" de la nouvelle majorité de Droite au Conseil régional ?
Je souhaite vous
faire part de mon analyse et de ma position sur ce sujet, car je crois que nous,
citoyens français, devons nous dégager des discours contradictoires des hommes
politiques qui, trop souvent, loin d’éclairer un projet/un débat le rendent plus
confus et surtout le réduisent à des discours démagogiques.
Tout
d’abord, de quoi parle-t-on ?
En
Ile-de-France, le logement social représente plus de 20 % des logements
franciliens, soit environ un peu moins de 1,2 million de logements pour un
total d’environ 5 millions. Les attributaires de logements sociaux sont les
collectivités territoriales, qui financent la construction via des organismes
HLM, mais aussi l’Etat via les préfectures et Action Logement (l’ancien 1 %
Logement), qui recueille la contribution obligatoire des entreprises de plus de
20 salariés à l’effort de construction de logements sociaux (0,45 % de la masse
salariale est ainsi versé).
La
classification du parc social repose sur les ressources des publics
bénéficiaires de logements sociaux. La loi (circulaire CUS –Convention
d’Utilité Sociale- du 12 avril 2010) définit 4 plafonds :
- PLAI (Prêt Locatif
Aidé d’Intégration),
destiné aux plus modestes des ménages.
Le loyer est compris
entre 5,61 euros par mètre carré par Surface Habitable si vous habitez Paris ou
autour et 4,56 euros/m²/SH si vous résidez dans les départements d’outre-mer ou
dans des communes rurales de métropole.
- PLUS (Prêt Locatif à
Usage Social),
destiné aux ménages modestes.
Le loyer est compris
entre 6,3 euros par mètre carré par Surface Habitable si vous habitez Paris ou
autour et 5,14 euros/m²/SH si vous résidez dans les départements d’outre-mer ou
dans des communes rurales de métropole.
- PLS (Prêt Locatif
Social),
destiné aux ménages de la classe moyenne.
Le loyer est compris
entre 13,07 euros par mètre carré par Surface Habitable si vous habitez Paris
ou autour et 7,71 euros/m²/SH si vous résidez dans les départements d’outre-mer
ou dans des communes rurales de métropole.
- PLI (Prêt Locatif
Intermédiaire),
destiné aux classes moyennes supérieures.
Le loyer est compris
entre 16,82 euros par mètre carré par Surface Habitable si vous habitez Paris
ou autour et 8,74 euros/m²/SH si vous résidez dans les départements d’outre-mer
ou dans des communes rurales de métropole.
Au 1er janvier
2012, les 32 340 logements relevant du plafond de ressources PLAI représentent 2,8
% du parc social d’Ile-de-France (1 166 036 logements), ce qui
est particulièrement faible. Les logements relevant des plafonds PLUS représentent 83,9 % des logements, ceux
des plafonds PLS 6,1 % et ceux des plafonds PLI 7,2 %.
Cependant, à partir
des données recueillies par la DRIEA (Direction Régionale et
Interdépartementale de l’Equipement et de l’Aménagement) d’Ile-de-France,
l’IAURIF (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Ile-de-France) a calculé en
2015 que 48,6 % des logements sociaux franciliens (535 237) relevaient
de plafonds de loyers PLAI. Seuls 30,6 % des logements sociaux relèvent
des plafonds de loyers PLUS, 15,6 % des PLS et 5,2 % des PLI.
En Ile-de-France, la
moitié des logements sociaux ont donc une vocation très sociale.
Il
y a quelques jours, le quotidien de Droite Le
Figaro a publié la liste des communes de la région Ile-de-France
ayant plus de 30 %. Alors qu’à Saint-Denis, j’entends fréquemment tout et
n’importe quoi sur le nombre de logements sociaux dans la ville (cela va de
l’affirmation péremptoire sur le fait que presque tous les logements
relèveraient du parc social à celle, opposée et tout aussi péremptoire, qu’ils
ne représenteraient qu’une faible part du parc), voici une information INSEE qui
n’a pas été contestée par les élus.
Voici le lien vers le site du Figaro.
41,2 % des logements
dionysiens relèvent du parc social. Au-delà des discours, Saint-Denis
n’est donc pas la commune la plus exemplaire en Seine-Saint-Denis, qui reste le
département de Petite Couronne ayant fait le plus d’efforts en matière de
construction de logements sociaux sur les 50 dernières années. 23 communes sur les
40 ont plus de 30 % de logements sociaux. L’effort du Val-de-Marne est
nettement en deçà (15 communes sur 47). Quant aux Hauts-de-Seine, avec 9
communes (encore gérées par le Parti Communiste Français pour 4 d’entre elles
et anciennement gérées par la Gauche pour les autres) sur 36, il est clairement
en retrait… peut-être par phobie du logement social ?
Une
fois planté ce décor, revenons sur les motivations de cette décision et les
arguments des deux camps.
D’un
côté, Madame Valérie PECRESSE justifie ce choix par le fait de pousser à la
construction de logements très sociaux dans des communes où il en manque,
luttant ainsi contre la concentration de logements sociaux dans des quartiers qu’elle
juge ghettoïsés. Il faut donc comprendre que ces financements ne sont pas supprimés, mais réaffectés géographiquement.
De
l’autre, ses opposants de Gauche dénoncent une décision purement politicienne
et idéologique, qui stigmatise le logement social et des quartiers entiers de
nos villes, qui ralentira ou bloquera la construction de logements très sociaux
au moment où nos concitoyens en ont le plus besoin, qui chassera les plus
modestes d’entre nous en périphérie de l’agglomération parisienne…
En
décembre 2012, dans un billet intitulé Quand la Droite et les Gauche de Gauche défendent une mixité sociale de juxtaposition entraînant une ségrégation urbaine, sociale et ethnique, je défendais le principe d’une mixité
sociale de mélange, qui verrait chaque commune avoir 30 % de logements sociaux,
et m’opposais à une mixité sociale de juxtaposition, reléguant les plus
modestes d’entre nous –qui sont souvent en Ile-de-France des populations
d’origine étrangère- dans des communes spécialisées dans leur accueil (la
Seine-Saint-Denis est spécialisée dans l’accueil des populations
primo-arrivantes).
Je
pense que les différences de réalités sociales et
ethniques existantes entre les communes dites « bourgeoises » et les
communes dites « populaires » n'ont échappé à personne. Je pense aussi qu’il n’a échappé à
aucun d’entre vous l’importance prise par le logement social en France et
Ile-de-France. Les opposants à Madame Valérie PECRESSE rappellent à juste titre
que 70 % des Franciliens sont éligibles au logement social. C’est également le
cas en France où nombre de nos concitoyens souffrent, y compris dans des territoires,
dont certains sont complètement désertés par l’action des pouvoirs publics.
Je partage avec ces
manifestants de Gauche le souci exprimé sur l’enjeu que représente le logement social,
ayant moi-même vécu enfant dans une HLM, mais approuve la volonté de Madame Valérie
PECRESSE de répartir différemment la production de logements sociaux en région
parisienne.
Les
statistiques citées précédemment le prouvent : les financements des logements
sociaux destinés aux classes moyennes servent à loger les plus modestes, qui ne
seront donc pas pénalisées par cette mesure. Les attributions des logements
sociaux sont en effet pratiquées de manière très pragmatiques par les
attributaires (communes, préfecture, Action 1 %).
Quant à ceux qui me diront que les maires de Droite refuseront de construire du logement très social dans leurs communes, je leur réponds qu’il faut aller au bout de la proposition de Madame Valérie PECRESSE, en organisant un suivi réel et contraignant ! Mais sur ce point, amies lectrices et amis lecteurs, il faut dire que les maires (peu importe l’étiquette) n’ont aucune envie de se voir dessaisis de leur droit d’attribution, ni de leur droit de construction, alors qu’il faudrait, selon moi, qu’une entité régionale concentre ces droits pour résoudre la crise du logement social.
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