Souvenez-vous, il y a deux ans, des élections se déroulaient sur l'un des trois cantons de Saint-Denis, celui de Saint-Denis Nord-Ouest. Florence HAYE était candidate, 7 ans après les élections de 2004, à sa réélection. Face à elle, le PS et Europe-Ecologie-Les-Verts (EELV) présentaient Fatima LARONDE, militante écologiste.
Pourquoi revenir maintenant sur ses élections, et les comparer avec le premier tour des élections législatives de 2012 ? Il y a plusieurs raisons à cela.
1. La proximité des élections municipales de 2014
Celles-ci se déroulent dans 3 mois il n'est pas inutile d'essayer de se livrer un exercice de comparaison des rapports de force.
2. Un espace deux en un
Ce canton est très bien délimité
:
- au sud et au sud-ouest le canal de Saint-Denis- au nord-ouest et au nord, les vois ferrées
- à l'Est, la rue Gabriel Péri puis l'avenue Roger Sémat qui est une partie de la N1.
Par ailleurs, deux grandes unités géographiques le composent :
- au sud, le centre historique et ses faubourgs composant la vieille ville de Saint-Denis
- au nord, des cités construites entre les années 1950 et 1970.
L'axe formé par le boulevard Carnot et la rue Paul Eluard sépare ces deux ensembles.
3. Un corps électoral en faible progression :
Entre 2011 et 2012, le nombre d'électeurs inscrits a peu augmenté (+ 2,61 %), sans évolution notable dans la répartition de la population au sein du canton, contrairement à ce qui s'était passé entre 2004 et 2011.
4. Un canton charnière :
La commune de Saint-Denis est découpée en trois cantons. Les cantons Sud et Nord-Est, qui sont respectivement détenus par le Parti Socialiste (Mathieu HANOTIN, notre député) et la Gauche de gauche (Bally BAGAYOKO, obligé de Patrick BRAOUEZEC), et le canton de Saint-Denis Nord-Ouest. Ce dernier canton a vu la réélection de Florence HAYE en 2011 (une autre créature de Patrick BRAOUEZEC), mais a basculé lors des législatives de 2012 en mettant en tête Mathieu HANOTIN aux deux tours.
5. La vertu des premiers tours
En France, notre système électoral, essentiellement au scrutin majoritaire et sans fermer la porte à d'éventuelles triangulaires ou quadrangulaires, polarise la vie politique de nos collectivités autour des affrontements entre deux forces politiques, la Droite et la Gauche. Mais ici, à Saint-Denis, cet affrontement se déroule entre la Gauche sociale-démocrate et les Gauches de Gauche (pour reprendre l'expression que Patrick BRAOUEZEC et ceux qui le suivent se donnent), la Droite étant localement divisée.
Comparer des premiers tours, quand l'électorat est stable sur le plan démographique et sociologique, est donc très utile pour comprendre les dynamiques électorales du territoire étudié.
Amis lecteurs, voici tout d'abord une carte représentant le rapport de force entre Florence HAYE (Front de Gauche) et Fatima LARONDE (EELV-PS) au 1er tour des élections cantonales de mars 2011 :
Ensuite, deux tableaux statistiques représentant les résultats comparés de Florence HAYE et de Fatima LARONDE aux élections cantonales de 2011 et ceux de Patrick BRAOUEZEC aux élections législatives de 2012.
Que nous apprennent ces documents ?
A. L'absence d'opposition nord-sud :
Contrairement à ce qui est communément admis, aucune fracture politique ne se superpose à la fracture urbaine nord-sud. En apparence, le canton pourrait apparaître divisé entre un Nord votant pour Florence HAYE et un Sud votant pour Fatima LARONDE (une lutte politique entre bobo et populo). Or, il n'en est rien.
Dans les bureaux de vote situés dans la vieille ville (partie sud du canton, les huit premiers bureaux), Fatima LARONDE recueille 622 voix au 1er tour, tandis que Florence HAYE obtient pour sa part 639 voix. Celle-ci dépasse légèrement sa rivale au 1er tour, même si 5 bureaux placent Fatima LARONDE en tête.
Au premier tour des élections législatives de 2012, le scénario est l'exact opposé. Cette fois-ci, Mathieu HANOTIN dépasse légèrement Patrick BRAOUEZEC : 1216 voix, contre 1157 voix au député de la Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique (FASE).
Pour leur part, les bureaux de vote situés dans les cités, au nord de la vieille-ville, placent nettement en tête Florence HAYE en 2011, mais tout juste Patrick BRAOUEZEC en 2012. Au premier tour des élections législatives de 2012, celui-ci ne l'emporte plus que de 42 voix (815 contre 773 à Mathieu HANOTIN), alors que Florence HAYE disposait de 129 voix d'avance en 2011 (427 contre 298).
Qui plus est, au premier tour des cantonales 2011, les électeurs des deux bureaux des cités les plus au nord (Delaune, Sémard) ont placé pour l'un le Front National en tête et pour l'autre la candidate EELV-PS. Un désaveu sans appel pour la candidate Florence HAYE et plus largement la politique municipale.
B. Un corps électoral peu dynamique
En 2011, 12 228 électeurs étaient inscrits, contre 10 780 pour les élections cantonales de 2004. Le corps électoral augmentait de 13,43 %, cette hausse étant concentrée essentiellement dans la partie nord du canton où le nombre d'électeurs dans ces bureaux progressaient de près de 30 % ! Inversement, entre 2011 et 2012, le corps électoral progresse peu, passant de 12 228 à 12 547. La partie sud du canton comprend 225 électeurs de plus et le nord du canton 64.
Au 1er tour des cantonales de 2011, seulement 3 493 personnes ont voté sur l'ensemble du canton, soit 71,43 % d'abstention. En 2004, l'abstention était de 44,34 % avec 6 001 votants dans ce canton. Au 1er tour des législatives de 2012, l'abstention s'établit à 52,75 % (5 929 votants).
A Saint-Denis, la participation s'effondre élection après élection, ce qui n'est pas une spécificité dionysienne, mais prend un tour dramatique en raison d'un taux d'abstention largement plus élevé que celui rencontré au niveau national ou dans les collectivités comparables.
Cependant, l'atrophie du nombre de votants est globalement comparable aussi bien au nord qu'au sud du canton. Il n'existe pas de populations prenant le pas sur d'autres à Saint-Denis, contrairement aux chiffons rouges agités par la municipalité. Les bobos ne chassent pas les classes populaires. Le vote des classes populaires fait et défait les élus locaux à Saint-Denis.
C. Une participation électorale contraire aux Gauches de Gauche
La participation aux législatives, forcément meilleure, permet d'observer une dynamique électorale plus favorable à la Gauche sociale-démocrate.
Entre les premiers tours des cantonales de 2011 et des législatives de 2012, le rapport de force évolue de la manière suivante :
. Partie sud du canton :
Hausse de 95 % de la Gauche sociale-démocrate, qui passe de 622 à 1216 voix ;
Hausse de 81 % des Gauches de Gauche, qui passe de 639 à 1157 voix ;
. Partie nord du canton :
Hausse de 159 % de la Gauche sociale-démocrate, qui passe de 298 à 773 voix ;
Hausse de 90 % des Gauches de gauche, qui passe de 427 à 815 voix.
Il n'y a pas de quartiers réservés aux Gauches de Gauche à Saint-Denis. Il est loin le temps où les militants quadrillaient le terrain et tenaient chaque habitant. Des élus comme Patrick BRAOUEZEC et Didier PAILLARD ont d'ailleurs participé à la liquidation des structures du communisme municipal, également mis à mal par les évolutions géopolitiques et, tout simplement, par la prise d'âge des militants. En conséquence, le vote en faveur de la Gauche sociale-démocrate s'enracine à Saint-Denis.
Comment cela est possible ?
La Gauche sociale et démocrate profite de l'usure de la municipalité en place et de ses dirigeants, mais pas ou peu de l'arrivée de populations des classes moyennes dans la vieille-ville de Saint-Denis.
Le corps électoral ayant peu évolué entre 2011 et 2012, il ne serait pas sérieux de prétendre que les bobos ont voté pour les socialistes et qu'ils les auraient fait gagné. Il faut bien comprendre que beaucoup de ces bobos sont en fait proches de l'Extrème-Gauche. Ainsi, nombre d'entre-eux, père ou mère d'enfants scolarisés dans l'école maternelle où était mon fils, tractaient en 2011 au profit de la candidate Front de Gauche et militaient encore pour Patrick BRAOUEZEC en 2012. Le vote des habitants dans l'ensemble du canton reflète leur lassitude à l'égard d'une action municipale insuffisante et de promesses non tenues. Les catégories populaires rejettent des hommes politiques qui ne répondent pas à leurs aspirations. Nous savons combien pour le duo Patrick BRAOUEZEC/Didier PAILLARD le verbe tient lieu d'action.
L'ancien député, Patrick BRAOUEZEC, a d'ailleurs été mis en difficulté dans les cités. Le meilleur écart qu'il obtient par rapport à Mathieu HANOTIN est au bureau des Joncherolles (+ 35 % de voix). En 2011, Florence HAYE obtenait jusqu'à 115 % de voix d'avance sur Fatima LARONDE au bureau de Delaunay-Belleville. Sur 7 bureaux, Patrick BRAOUEZEC ne remporte vraiment que 3 bureaux, sa place de premier dans trois autres étant très fragile et contestée par Mathieu HANOTIN, qui arrive premier dans un bureau.
Que conclure de tout cela pour les élections municipales de mars 2014 ?
La liste du Parti Socialiste conduite par Mathieu HANOTIN, avec des habitants engagés comme votre aimable serviteur, l'emportera dans son duel avec la liste des Gauches de gauche de Patrick BRAOUEZEC et de Didier PAILLARD. Concrètement, vous observerez qu'à l'issue du premier tour deux des trois cantons de Saint-Denis mettront la Gauche sociale-démocrate en tête (canton de Saint-Denis Sud et canton de Saint-Denis Nord-Ouest), ainsi qu'une partie des bureaux de vote du canton de Saint-Denis Nord-Est.
Sur le plan politique local, la stratégie de Patrick BRAOUEZEC et de Didier PAILLARD, qui ont très bien compris la situation dangereuse dans laquelle ils se trouvent (perte de la municipalité et de tout ce qui va avec), est de s'afficher, comme en 2008, comme la vraie Gauche, pour stigmatiser le Parti Socialiste accusé d'être de Droite. Le ralliement vendredi 13 décembre de la section locale d'EELV à Patrick BRAOUEZEC était à cet égard prévisible, car obéissant à une logique politique, mais certainement pas à une logique de projet. Il y a des élus verts à Saint-Denis et dans les villes voisines qui doivent tout à Patrick BRAOUEZEC et qui préfèrent que la mairie de Saint-Denis reste entre ses aux mains, plutôt que de la voir contrôler par le Parti Socialiste. Rajoutons que la stratégie nationale de ce parti poussait à ce ralliement. Pour sa part, Georges SALI annoncera son ralliement dès le soir du premier tour, le dimanche 23 mars, car son petit score et son positionnement ne lui donneront aucune autre marge de manoeuvre.
Il n'y aura pas de match à trois au deuxième tour ! La Droite est divisée par des rivalités personnelles et sera en partie cannibalisée par le Front National (si celui-ci arrive à monter une liste ?). En tout état de cause, le parti d'Extrème-Droite n'arrivera pas à un score suffisant pour un deuxième tour. Le vote protestataire ne suffira pas et ce parti n'a localement plus d'incarnation physique dans des cadres et des militants dionysiens, contrairement aux années 1990, malgré le ralliement de Didier LABAUNE, conseiller ex-UMP.
Enfin, je rappelle que je souhaite, qu'entre les deux tours, les militants communistes orthodoxes nous rejoignent. Le Parti Communiste, qui a un véritable lien charnel avec les dionysiens, ne doit pas pâtir des manoeuvres de Patrick BRAOUEZEC et de Didier PAILLARD et sombrer avec ses fossoyeurs.
1 commentaire:
Analyse fouillée, détaillée qui veut ce qu'elle peut!
Le canton analysé n'est pas un miroir de la toute la Ville.
Rappelons cependant quelques faits têtus :
- Georges SALI - aussi honorable qu'il soit - semble condamner à se rallier à la liste Paillard.
- Le candidat Député Hanotin sera-il
confirmé et investi définitivement par les Instances nationales du PS ?
- La vague rose de l'an passé aux Lègislatives par rejet du sarkozysme ne se reproduira pas à St-Denis.
- Les militants coco dits orthodoxes abandonnent rarement leur camp.
- 1500 voix environ suffisent pour un maintien au 2° tour d'une liste Bleu Marine / FN.
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